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L’Open Innovation vue par une startup à succès

Découvrez le témoignage de Thibault Gouache, président de la startup Cornis.
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Lancée en 2011 par deux jeunes ingénieurs, la start-up Cornis affiche aujourd’hui une part de marché de 50% dans l’inspection visuelle des pales d’éoliennes offshore ! Un succès dû non seulement à sa technologie (acquisition motorisée des photos, diagnostic automatique de l’état de surface des pales…), mais aussi à l’Open Innovation de plusieurs grands groupes.

Explications avec Thibault Gouache, président de Cornis

Comment êtes-vous entrés dans l’Open Innovation ?

Tout simplement via notre démarchage commercial initial. Nous avons sollicité tous les acteurs de la filière éolienne de manière indifférenciée : sans appétence ni peur particulière à l’égard des grands groupes… Certains nous ont bien reçus, d’autre moins bien. EDF s’est rapidement intéressée à nous par l’entremise de sa cellule dédiée à l’Open Innovation. Nous avons apprécié la démarche, car elle nous a permis d’identifier rapidement et facilement les bons interlocuteurs dans les bonnes filiales et/ou business units : compétents techniquement pour comprendre et apprécier nos innovations, et surtout décisionnaires ! C’est ainsi que nous avons commencé à co-construire notre offre avec EDF EN Services.

N’était-ce pas risqué d’adapter si tôt votre offre à un seul acteur ?

D’abord cela n’est pas n’importe quel acteur, mais l’un des leaders mondiaux des EnR ! Ensuite nous avions justement besoin de faire des choix techniques et stratégiques. Il faut comprendre que si nous avions une bonne vision de l’apport général de notre technologie pour les exploitants, nous étions en manque d’informations opérationnelles détaillées sur la gestion d’un parc éolien : c’est donc plutôt une chance d’avoir pu accéder à des besoins réels, à des procédures, des usages, des accès sur le terrain, etc. qui nous ont permis d’élaborer rapidement une stratégie technique et commerciale, et donc d’aboutir plus rapidement à un produit fini. Enfin, nous n’avons pas mis tous nos œufs dans le même panier puisqu’également collaboré avec DONG Energy, qui nous a véritablement poussé à nous lancer dans l’éolien offshore (qui nous semblait presque inaccessible !), ENGIE Green, ou encore MHI-Vestas…

Au-delà de la construction de l’offre, que vous ont apportées ces grandes entreprises ?

C’est un booster de motivation. La confiance des références de votre secteur donne des ailes ! EDF EN Services a rapidement diffusé notre offre dans ses parcs en Grèce, en Pologne, et aux USA. Et disposer de statistiques significatives change vraiment la donne commerciale : annoncer plusieurs centaines de pales déjà inspectées, c’est tout de même autre chose qu’un POC avec 3 éoliennes…  Nous avons aussi profité de la crédibilité induite par ces références dans notre communication. Résultat : nous réalisons aujourd’hui 80% de notre CA à l’export ! Dernier avantage de ces relations avec des grands groupes : nous avons facturé normalement nos prestations très rapidement, ce qui nous permis de croître significativement, sans lever de fonds.

Mais comment êtes-vous passé si rapidement du POC à la facturation ?

Tout simplement parce que nous avons fait très peu de POC ! Je suis d’ailleurs circonspect sur le concept même de POC : si on conçoit un produit ou un service, c’est pour le commercialiser, par pour réaliser des études non payées. Je conseille donc à mes confrères startupers de ne pas vendre trop de projets, mais plutôt des produits finis et des solutions, même si le produit ou service n’est pas finalisé… car ils ne seront jamais parfaitement finis. C’est d’ailleurs un bon moyen de s’assurer que l’on traite avec une BU véritablement motivée, et disposant des moyens de ses ambitions. Mon message pour les jeunes pousses : « Vendez ! »

Un message pour les grandes entreprises ?

« Merci » d’abord, puisque sans elles nous ne serions peut-être plus là. Leurs dispositifs Open Innovation ont bien fonctionné (pas d’application des ratio financiers par les achats, accès aux BU, financement des premières affaires, ouverture de leur réseau…) et leur enthousiasme nous a portés. Cependant, cette ardeur peut les conduire à étouffer leur petit partenaire : je veux parler de l’exclusivité, qui s’invite inévitablement dans les négociations. Il est extrêmement difficile pour une jeune pousse de la refuser, même lorsqu’elle est à l’évidence déséquilibrée. Mais je pense sincèrement que c’est un mauvais calcul, un « lose-lose » : si la start-up limite ses « inputs » à un seul acteur, elle produit un produit ou service forcément limité (ou orienté) aux besoins de son partenaire exclusif ; à l’inverse, en découvrant des besoins différents (ou formalisés différemment), elle génère plus de valeur pour toute la filière, à commencer par ses clients. Et je passe sur sa solidité financière, ou encore la difficulté de lever des fonds avec un portefeuille mono-client ! Mon message pour les grands groupes serait donc : « Si la technologie d’une jeune entreprise s’avère stratégique pour vous, achetez la boite, mais pas l’exclusivité ! ».

Cornis en bref

Création : 2011

Activité : Inspection de pales d’éoliennes

Effectifs : 12

Ventes : 3 000 éoliennes déjà inspectées, 80% à l’export (Asie, Amérique, Europe)

Références : EDF EN, EoleRES, MHI Vestas, E.ON, DONG Energy, ENGIE Green, Eurocopter et CNES (bureau d’étude)